Mesures disciplinaires...
Si la SNCF d'aujourd'hui tente de se moderniser et de s'adapter aux rapports humains d'actualité, les relations avec les agents étaient autrefois plus sévères.
Lorsque je dis autrefois, ce qui fait beaucoup rire les jeunes loups qui lisent le pépé, c'était seulement il y a une quinzaine d'années... Pas vraiment le temps des dinosaures, donc !!
Figurez vous donc qu'en ces temps là, on ne discutait pas avec la discipline et les sanctions étaient payantes, vraiment payantes, avec des espèces sonnantes et trébuchantes... Il était fréquent de payer pour un non-pointage, par exemple, comme ci-dessous, et il n'était pas rare de trouver des agents qui se voyaient retirer des 1/12èmes de la prime de fin d'année. Cette mesure était si bien ancrée dans les moeurs que les agents cotisaient à une caisse des douzièmes, qui fonctionnait comme une sorte d'assurance contre les retraits d'espèces.
Puisque je vous montre un BAI (Blâme avec inscription) pour un non-pointage, il faut que je vous explique ce qu'était un non-pointage ! Car si beaucoup de jeunes conducteurs trouvent les nuits dures aujourd'hui, je me demande ce qu'ils auraient bien pu dire à l'époque...
En fait, lorsqu'une locomotive franchit un signal fermé, les appareils d'enregistrement (que les journaleux appellent la boite noire !!)marquent la position de ce signal. Jadis, tous les signaux répétés étaient enregistrés, et le captage par la machine se faisait essentiellement avec une brosse frottant sur un crocodile placé au milieu de la voie, et au droit du signal. Ceci a beaucoup évolué aujourd'hui, avec KVB et ATESS.
Donc, à cette époque, le conducteur devait "vigiler" les signaux à distance fermés, avant leur enregistrement par la machine. On disait "pointer". Pour ce faire, le conducteur actionnait le bouton de vigilance (aujourd'hui, le bouton d'acquittement) une ou plusieurs fois, pour bien marquer la bande...
Comme ça, sur votre chaise, la difficulté ne vous apparaît peut-être pas d'emblée, mais je vous assure que ce n'était pas rien !! Essayez donc, la nuit, en courbe, sans visibilité par le brouillard ou la pluie, d'attraper ce bouton non éclairé sur des trains à vitesse élevée ou sur des machines qui nous démontaient la colonne vértébrale, lorsqu'un avertissement surgissait du brouillard à 100 mètres, parfois moins... C'était souvent une affaire de une à deux secondes, ce qui ne devait pas empécher de couper la traction et de freiner, évidemment...
Par la suite, les bureaux administratifs vérifiaient les bandes et surveillaient ces vigilances, très visibles sur les bandes graphiques. Quelquefois, il fallait une loupe pour discerner le décrochement entre le trait du pointage et le trait de la répétition,(5mm de bande égalent 1000 mètres) mais le règlement disait seulement "avant" sans notifier de distance minimum...
Et il apparait que le 23/11/1978, en tête du 58125 Paris-StPierre, et avec la machine 8520, je n'ai pas vigilé le signal 67 situé au PK 177+168...
Bien sûr, le montant des retenues n'était pas très élevé pour les sanctions de base, et ici les 4,50 francs semblent bien insignifiants. Pour resituer l'ordre de grandeur, cette retenue m'a été infligée en janvier 79, et tout compris (traitement, prime traction, nuits, Dimanches et Fêtes), j'ai touché ce mois là 5036.44 francs...
Et si on raconte beaucoup de choses et n'importe quoi sur le salaire des conducteurs de la SNCF, il n'y avait pourtant vraiment pas de quoi sauter de joie...