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L'avis d'un pavé, en mai 68...


Votre serviteur vous raconte un moment clé de sa vie
Ceux qui n'y étaient pas en parlent beaucoup et disent n'importe quoi !
Ceux qui s'y trouvaient n'en parlent pas souvent, mais ils n'oublieront sans doute jamais...


Pavé de rue, Origine : rue Gay Lussac, à Paris. Exhumé le 10 mai 1968, par un étudiant de la Sorbonne.
A participé à la nuit des barricades, du 10 au 11 mai 1968, et est resté quelques heures au calme dans le tas de ses congénères.

Les premiers lacrymogènes se sont fait ressentir vers 22 heures, lorsque les CRS ont prétendu reprendre la rue. Ils tapaient dur sur tout ce qui bougeait, jeunes filles seules, qu'ils battaient et déshabillaient; vieux et vieilles rentrant chez eux, sans distinction.
Ils tapaient tres fort, longtemps, jusqu'à ce que leurs victimes ne bougent plus...

Ce gentil petit pavé fut subitement saisi par une main puissante, puis s'envola en direction de la nuit.

En face, Eugène était en train de matraquer un petit chauve en hurlant " on va tous les tuer, ces petits cons ! " sans réaliser que sa victime avait passé depuis longtemps l'âge des études.

Le pavé lui arriva dessus au moment où il tournait la tête pour surveiller ses arrières, et lui éclata le nez sans avertissement. Sa bonne humeur légendaire s'en trouva un peu ternie, et Eugène s'éteignit quelques minutes.

Michel, petit étudiant par la taille, mais grand petit bourgeois contestataire, lui arriva dessus comme une fusée et par acquit de conscience, lui décocha un superbe coup de tatane dans les valseuses, ce qui eut pour effet instantané de réveiller Eugène, et de le mettre de bonne humeur...

Alors, le quartier latin s'enflamma pour de bon. Les voitures brulaient, les pavés volaient, les vitrines et les magasins partaient en morceaux !
Le désespoir d'une jeunesse devant l'autoritarisme des bourgeois !
Cette nuit là, d'un point de vue artistique, les cocktails Molotov dans la fumée des lacrymo donnaient un spectacle sublime…

Des étudiants en médecine organisaient les secours, en utilisant une 2cv transformée en ambulance...

Personne ne sait le nombre de victimes qu'ont provoqué les manifestations de mai 68. Ni le nombre de blessés. Ni le nombre de séquelles engendrées par la brutalité policiere de l'époque. On ne sait même pas le coût de mai 68.
Beaucoup ont oublié pourquoi nous y étions...
C'était pourtant simple : Nous voulions la liberté d'expression et l'égalité pour tous ...

Nous avons eu un peu de liberté, quelques temps...

Nous n'avons jamais eu d'égalité…

Mais pour ceux qui y étaient, mai 68 ne s'est jamais vraiment terminé...

Gérard Parramon, dans un coin de ma mémoire...