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La fin de la guerre, en 1945...


Marcel Rigourd nous raconte une anecdote, où peut-être quelques anciens se reconnaitront...

Relation d'un fait qui s'est passé le 8 mai 1945, au dépôt SNCF de Baud, à Rennes, pour fêter le retour à la paix.
Remettons nous un peu dans cette période perturbée :

La ville de Rennes, libérée le 4 août 1944 par les troupes du général PATTON, commencait à revivre.
Les GIs à l'allure souple ont remplacé les uniformes vert-de-gris des soldats de la Wehrmacht en déroute.

Au dépôt des machines de Baud dont les bâtiments n'ont jamais été touchés par les bombardements alliés, on continuait la préparation et l'entretien des locomotives ainsi que la réparation de celles qui avaient été mitraillées.
Pour ceux qui connaissent mal l'activité d'un dépôt, il faut rappeler que les locomotives, mise à part celles en réparation " Levage " ou " Bricole ", sont sous pression vapeur, prêtes à assurer la traction d'un train.
Dans cette attente, elles sont garées sur un plateau extérieur, avec un faisceau de voies, appelé " gril ", sous l'œil attentif des agents de cour chargés de leur maintien en pression adéquate.

Les soldats américains du 755ème Railway Shop Battalion travaillaient avec nous, en parfaite coopération.
Leur matériel d'avant-garde faisait merveille pour la réparation des plaies dues aux mitraillages aériens.
Un exemple, l'obturation des trous d'obus dans la paroi des tenders :
Les français emplissaient le tender d'eau, marquaient l'emplacement des fuites. Le tender était ensuite vidé et les trous rebouchés à la soudure à l'arc.
Les américains faisaient les mêmes opérations de départ, mais obturaient les trous d'obus de 20 mm à travers le jet d'eau sans vider le tender... ! De la méthode !
En ce qui me concerne, grâce à mes faibles connaissances scolaires de l'anglais, améliorées par la conversation avec les soldats anglais présents en 1939/40, je servais d'interprète, acquérant rapidement une petite notoriété !

Revenons au 8 mai 1945 !
Les cloches et sirènes de toute la ville de Rennes devaient se mettre en branle à midi ce 8 mai pour marquer la fin du conflit mondial.
Avec quelques copains de travail, nous avions la veille décidé de devancer à notre façon cette manifestation.
A cette effet, nous avions subtilisé dans les coffres de tender des machines présentes le maximum de pétards de sécurité en vue de les placer en enfilade sur les rails de la voie de sortie du faisceau du Gril, afin de provoquer une pétarade monstre au passage de la première machine à se présenter !
Ils ont été placés le lendemain, comme prévu, vers 11h50. De plus, nous avons activé les sifflets de plusieurs machines en pression en attachant leur commande avec du fil de fer.

Une stridence à vous percer les tympans !

Nous avons fui, quittant le dépôt pour se rendre au bistrot voisin " Au signal carré " arroser notre exploit.
A vrai dire, nous n'avons pas entendu la pétarade sur la voie, pas plus que les sirènes de la ville, seulement les sifflets !
Les agents de cour ont dû certainement nous bénir, car nous ne sommes pas revenus sur place relacher les sifflets !

Ma mémoire est défaillante pour retrouver le nom des participants à cette manifestation sonore ...
Si certains, maintenant octogénaires, se rappellent cette opération " commando ", ils revivront l'ambiance de l'époque troublée où nous sommes passés de la présence des cheminots allemands, entretenant eux-mêmes la Mountain 241A45 et qui ne badinaient pas avec la discipline, à celle des soldats du génie américain, bons enfants, recherchant des filles ou troquant leurs cigarettes et savonnettes bien moussantes avec des souvenirs divers !
Ils étaient cantonnés dans les HLM proches du Pont Villebois Mareuil où, les soirs d'été, des projections cinéma avaient lieu sur grand écran dans la cour arrière.


Souvenirs, souvenirs...
Rigourd Marcel, ex.apprenti à l'école MT de Rennes promotion 39/42