Imprimer cette fenêtre Les situations urgentes...
Sur les trains, je vous ai déjà dit qu'il peut arriver n'importe quoi, n'importe où. Ceci n'a l'air de rien, mais il n'est pas aussi facile de faire face dans la seconde à un évènement grave qui tombe sans aucun avertissement.
Il y a aussi des situations saugrenues dans lesquelles se mettent involontairement les voyageurs, qui se trouvent totalement désemparés lorsqu'ils sont enfermés dans un train. Aucun réglement ne gère ces situations, quelquefois dramatiques, mais qui deviennent comiques lorsqu'elles se terminent bien. Par exemple, au début de la mise en service du TGV Atlantique, il se passait souvent un phénomène curieux à la gare de Montparnasse. Des voyageurs s'installaient dans le TGV, à leur place prévue, puis redescendaient pour chercher un journal, ou des cigarettes. Tout ceci serait très commun s'ils étaient bien remontés dans la même rame au retour ! Et ceci arrivait souvent ! La seule explication plausible, c'est que tous les TGV à quai étant identiques, l'erreur est facile en manquant un peu d'attention.

Ces situations donnaient lieu à des dialogues radios entre les régulateurs et les conducteurs, quand Madame s'inquétait envers le contrôleur de ne plus trouver son mari. Le régulateur partait à la pêche dans tous les trains environnants, en recherchant le monsieur distrait. Il est arrivé souvent que Madame roule vers Bordeaux, pendant que le monsieur fonçait vers Nantes !

Plus embétant est le voyageur qui n'avait pas prévu de voyager. Dans les TGV, les portes sont fermées avant le départ, et toute personne s'attardant dans le train part avec lui. Cette situation non plus n'était pas rare dans les débuts, avec des personnes qui avait laissé leur voiture n'importe où, ou un enfant à la maison, pensant revenir de suite !
A cette période, les contrôleurs ne pouvaient pas dialoguer directement avec le régulateur, et tout passait par les conducteurs qui répercutaient les demandes, les réponses, les solutions, et pas toujours à des moments choisis ! Mais tout ceci se terminait bien , en général.

Mais il m'a été donné, assez souvent, de devoir réagir très vite devant des situations beaucoup moins drôles. Un contrôleur qui vous appelle à l'interphonie d'une voix angoissée, en vous demandant si vous pouvez demander un arrêt sur un train direct, car un passager est en difficultés cardiaques. Dans ce cas, il faut calculer vite où les secours seront le plus rapide et le plus efficace. Je me souviens avoir reçu un appel de ce genre alors que j'arrivais aux abords de la gare de Chatellerault, sur un direct Bordeaux-Paris. A cet endroit, la vitesse est de 200. Je n'ai eu que quelques secondes pour avertir Chatellerault d'appeler le Samu, et pour aviser le régulateur d'un arrêt d'urgence, tout en arrêtant le train à quai et en avisant le contrôleur que c'était tout de suite, St Pierre des Corps étant trop loin. C'est dans ces situations que l'expérience paie, les solutions et les actions viennent vite, presque sans penser.

Il ya bien sûr beaucoup d'autres situations très urgentes, quand elles ne sont pas désespérées. Les accidents de personnes, les suicides, les accidents de passage à niveau sont autant d'épreuves très dures pour un conducteur, qui ne peut absolument rien changer et est obligé d'assister, impuissant ! Ce qui n'empêchera pas la gendarmerie de le faire souffler dans le ballon, comme un vulgaire chauffard ! Pauvre monde !

Tout ceci pour vous expliquer que si certains trains sont monotones, d'autres ne le sont pas ! Je pourrais même vous raconter des galères fantasmagoriques, où les incidents se succèdent tous les quart d'heure, et quand vous vous demandez ce que vous avez fait pour mériter çà ! Bien souvent, les usagers n'en sauront rien, mais le conducteur arrivera à destination avec un OUF! de soulagement, s'étant demandé cent fois s'il pourrait y parvenir, avec dans la tête toutes les solutions d'urgences, pour le cas ou !
Cela vous fait rire, peut-être ! Mais pendant ce temps là, une autre partie du cerveau doit continuer à assurer le train, comme si rien ne se passait ! Le conducteur ne peut pas souffler. Jamais.

Mais il n'y a là rien d'extraordinaire. Le conducteur fait son métier, et les aléas en font partie. Les engueulades aussi ! Il n'y aura jamais d'éloges, de remerciements, de félicitations. Seulement des reproches, si les solutions apportées n'ont pas été parfaites.
Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes !