Il n'est pas dans mon intention de résumer ici la réglementation de sécurité appliquée par les conducteurs. C'est impossible. La réglementation se compose d'un ensemble impressionnant de textes et documents divers que chaque conducteur doit connaître et appliquer, sans hésitation. Ces textes régissent à peu près toutes les situations, normales ou non, que peut rencontrer un agent de conduite au cours de son service. Cet ensemble constitue une foule d'articles, de renvois, d'instructions que chaque conducteur doit maintenir à jour, et connaitre sur le bout des doigts.
Pour se rendre compte de la difficulté, il suffit d'examiner ce qui se passe lorsqu'un accident grave survient, et quand des juges doivent décider de la responsabilité de chacun. Il y a alors des débats à n'en plus finir sur l'application de tel ou tel réglement plutôt qu'un autre. Dans des cas plus simples, il arrive que les propres cadres de la conduite, chargés de la surveillance des conducteurs, mettent plusieurs heures avant de décider si un conducteur a bien agi ou non ! Le conducteur, lui, ne dispose que de quelques secondes ou au mieux, de quelques minutes, pour prendre sa décision et l'appliquer, sans filet. S'il se trompe, il n'y a pas de rattrapage. Cette situation agit à la longue sur le mental des conducteurs. Cette obligation d'agir seul, sans aide extérieure, leur donne souvent l'impression d'être totalement lachés par la hiérarchie, qui n'intervient qu'en tant que juge, mais ne participe pas à la responsabilité de l'acte.
Les conducteurs chevronnés, habitués à assumer tout ce qui se présente, paraîssent souvent être totalement détachés du problème, ce qui exaspère quelquefois les voyageurs en détresse. En réalité, l'analyse froide et sans passion est la seule façon d'aborder ce genre de situation et d'en sortir.
Il y a un vieil adage à la conduite. On dit qu'un agent qui court va faire une connerie, ou vient d'en faire une ! Cela est souvent vérifiable.
Mis à part les situations d'incident, les réglements de sécurité régissent également les règles de respect des signaux, de freinage et de circulation des trains. Tous ces règlements sont applicables sans aucune tolérance. Un TGV qui change de vitesse une cinquantaine de fois entre Paris et Bordeaux, par exemple, ne le fait qu'en réponse à des indications de signaux ou de documents techniques. Il est tout à fait hors de question que ces vitesses soient dépassées.
Contrairement à la légende, il n'y a pas d'automatismes sur les trains français. Un conducteur assume la conduite de A à Z. Les seuls automatismes sont des gardes fous qui arrêtent le train en cas d'erreur grave. Cette situation est très grave pour un conducteur, qui risque fort d'être écarté de la conduite en cas de récidive.
La sécurité des circulations est totale (ce n'est pas la même chose que maximum) à la SNCF. Le moindre doute du conducteur le conduira à immobiliser son train, et cela amène quelquefois des frictions avec des cadres gestionnaires d'autres services qui n'ont pas cette obsession. Cet aspect est souvent mal compris par les usagers eux-mêmes, qui ne tolèrent pas les retards. Il s'agit pourtant de leur propre sécurité, mais le monde est ainsi fait !
Pour donner un exemple, ce n'est pas la puissance de traction qui détermine la vitesse d'un train, mais sa puissance de freinage. La vitesse limite est déterminée en fonction de la capacité du train à s'arrêter dans le plus mauvais cas de figure.